Par Simon Bégin
«Notre destin agricole est loin d’être fini, même sans protectionnisme, à la condition que nos agriculteurs exigent la réciprocité en tout, fassent preuve d’agressivité sur les marchés et améliorent constamment leur efficacité», estime l’ancien premier ministre de Québec, M. Bernard Landry.
Sur les bases de cette recette, M. Landry est convaincu que toutes les filières agroalimentaire, même celle des fromages fins, pourraient profiter du libre-échange et gagner plus que ce qu’elles pourraient y perdre.
«C’est par instinct que les agriculteurs sont anti libre-échange et je les comprends», estime l’économiste Landry. Selon lui, l’agriculture est le chapitre le plus complexe de la science économique, celui qui est le plus vulnérable aux risques climatiques et aux aléas du marché mondial. En même temps, peu ont autant d’importance pour la sécurité et la santé d’une population, l’occupation du territoire et la culture profonde d’une nation. Le recours à des mesures protectionnistes en agriculture est donc naturel et ce dans tous les pays.
Des ententes de libre-échange aux considérations sociales
M. Landry dit toutefois constater que les craintes des agriculteurs sont moins intenses en 2014 que lors des négociations du premier grand traité de libre-échange avec les États-Unis. C’est que, estime-t-il, les traités de libre-échange ne sont plus ce qu’ils étaient il y a trente ans, c’est-à-dire essentiellement mercantiles, sans considérations sociales, environnementales ou culturelles.
Les choses ont changé grâce notamment aux efforts du Québec pour faire reconnaitre l’exception culturelle dans les traités de libre-échange. Ceci dit, les agriculteurs doivent être très vigilants sur la question de la réciprocité. «C’est le mot clé», insiste M. Landry. Pour lui, il n’y a aucune raison pour qu’on accepte des normes sanitaires moins sévères que les nôtres et si on n’est pas encore arrivé à s’entendre là-dessus, «c’est que les négociateurs et les scientifiques n’ont pas assez travaillé».
L’inquiétude normale des agriculteurs face au libre-échange ne devrait pas être une source de replis mais plutôt d’agressivité sur les marchés pour vendre plus affirme celui qui est convaincu que même des fromages fins du Québec pourraient très bien trouver leur chemin en Europe si on y travaille assez fort.
La meilleure garantie, la souveraineté
Dans la recherche de réciprocité en matière de commerce international, Bernard Landry demeure convaincu que la souveraineté du Québec serait la meilleure garantie des agriculteurs.
«La mondialisation rend les indépendances nationales plus nécessaires que jamais, pour l’agriculture en particulier parce que les décisions qui la concernent ne se prennent pas à Québec ni à Ottawa mais dans des instances internationales où l’on n’est pas représenté…. Ce n’est pas parce que le Canada est méchant mais il défend d’abord ses intérêts comme nation et, de nos jours, on connaît l’influence de l’Ouest à Ottawa», rappelle M. Landry pour qui l’exemple le plus frappant de cela fut la conférence de Copenhague sur le climat, en 1989, où le Canada a défendu le pétrole de l’Ouest bien plus que l’hydroélectricité du Québec.
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