Chronique / Yan Turmine /Les recommandations de la commission Robillard sur l’ASRA a remis le soutien de l’agriculture au premier plan. Sa proposition de couper de 300 millions le programme de l’ASRA a jeté un pavé dans la mare. Rarement l’on avait vu une telle levée de boucliers comme celle survenue contre cette recommandation. Chose surprenante la réaction très défavorable du ministre de l’Agriculture a pratiquement éclipsé celle de l’UPA, du moins dans les médias.
Pourtant le programme d’ASRA, vieux de plus de 40 ans, a fait l’objet de sérieuses recommandations de la part des rapports Pronovost (2008) et St-Pierre (2009). Ces deux rapports recommandaient des changements en profondeur au programme. Aucune mesure n’a cependant été prise par les gouvernements depuis, et comme les prix des denrées agricoles se sont accrues au cours des dernières années l’ASRA et les autres programmes de soutien ont beaucoup moins donné d’argent, rendant toutes réformes des programmes moins pressantes ou moins justifiées. Avec l’arrivée d’un gouvernement qui a décidé de mettre de l’ordre dans les finances publiques, il n’est pas surprenant que la commission qu’il a mandatée soit tombée assez rapidement sur un programme comme l’ASRA, un programme monstre, difficile à comprendre et contesté par plusieurs.
La solution au bobo, l’amputation ?
Le programme d’ASRA aujourd’hui arrimé à d’autres programmes d’aide est devenu l’agri-compliqué. Il est assez difficile pour à peu près tous et chacun de comprendre le montant qu’ils reçoivent. Seuls des spécialistes comprennent ces programmes, et encore leurs compréhensions sont des fois divergentes. Devant une telle complexité de moins en moins de personnes arrivent à en comprendre les enjeux, réservant à quelques spécialistes de l’UPA ou de la Financière le privilège de négocier et d’expliquer les changements. Au cours des dernières années, on a vu des groupes de producteurs contester les changements des calculs de leur compensation devant les tribunaux, sans le soutien de l’UPA. Il semble manquer de réelle volonté pour modifier les programmes de soutien aux producteurs, autant de la part du gouvernement qui préfère de légers changements cosmétiques aux propositions étoffées de ses fonctionnaires, que de l’UPA qui rejette du revers de la main toutes propositions de changement même celles venant de ses membres. Alors pas étonnant dans un cadre de redressement des finances publiques qu’une commission enquêtant sur les programmes tombe rapidement à la conclusion de couper l’ASRA, la solution au bobo, faute de remède, semble être l’amputation.
Abandonner l’agriculture est un risque de trouble social grave !
Pourtant l’agriculture du Québec a besoin de programmes d’aide. Au Québec, comme ailleurs dans le monde, les gouvernements possèdent deux grandes façons de soutenir et de développer leur agriculture. La première façon, la réglementation qui garantit des volumes de production et des prix, la gestion de l’offre, un exemple parmi tant d’autres. Autre Façon, les subventions qui elles aussi garantissent des volumes et des prix aux producteurs. La réglementation est peu coûteuse pour les gouvernements, mais elle est difficile à mettre en place. Les subventions sont, quant à elles, faciles à donner, mais très onéreuses pour un gouvernement. Les pays qui refusent de mettre en place soit de la réglementation ou des subventions voient leur agriculture disparaitre et dépendent d’un approvisionnement extérieur. Au Québec la valeur de la production agricole représente prés de 6 milliards de dollars, c’est autant d’argent qui pèse positivement dans la balance commerciale du Québec, c'est autant d’argent que l’on n’a pas à compenser par une autre activité économique pour que les Québécois puissent se nourrir chaque jour. L’alimentation est un besoin incontournable, quotidien et vital. Laisser l’approvisionnement aux seules lois du marché ou encore à un approvisionnement extérieur est souvent synonyme de troubles sociaux graves. L’histoire en est témoin.
Il plus que temps que le ministère de l’Agriculture réforme en profondeur ses programmes de soutien à l’agriculture, avant que le gouvernement n’agisse à sa place et ampute totalement l’aide. Pas besoin de grandes consultations, les rapports sont là. Au revoir l’agri-compliqué et bienvenue l’agri-facile.
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